Appel à publication : le « gouvernement » des journalistes

06-11-2012

Nouvel appel à communication de la revue Sur le journalisme – About journalisme – Sobre jornalismo

Le « gouvernement » des journalistes 

Date de publication de l’appel : 5 novembre 2012 – Date de clôture de l’appel : 15 janvier 2013

Coordinateurs : Roselyne Ringoot, Jean-François Tétu, Adeline Wrona, Rémy Rieffel

L’appel peut être téléchargé ci-dessous, en langues française, anglaise et portugaise

Revue Sur le journalisme – Appel à publication – Le gouvernement des journalistes

About Journalism Review – Call for papers – ‘Governing’ journalists

Sobre jornalismo Revista – Chamada de trabalhos – O governo dos jornalistas

En postulant un « gouvernement » des journalistes, ce dossier de la revue propose d’étudier les effets produits sur le journalisme par les instances, les actions, les incitations, relevant de pouvoirs publics. Il s’agit ainsi d’interroger les formes d’action de l’Etat qui concernent le journalisme, et d’aborder les journalistes, leurs pratiques, l’information qu’ils produisent à l’aune du rapport gouvernant/gouverné. La notion de « gouvernement » renvoie ici aux approches de Michel Foucault qui le définit en tant que « techniques et procédures destinées à diriger la conduite des hommes », tout en prenant en compte les pratiques de contournement et de résistance. Le « gouvernement » des journalistes est aujourd’hui le produit d’une superposition de textes et d’institutions qui croisent des visions très variées, au cours du temps, des liens entre liberté d’informer, liberté d’entreprendre, droit du public à l’information et « protection » des journalistes. Si les pistes de réflexion ouvertes ici s’articulent sur des exemples français, ce dossier veut aussi solliciter des contributions portant sur d’autres contextes nationaux.

Depuis l’industrialisation de la presse à la fin du 19° siècle, l’action publique française a porté principalement sur les contenus journalistiques en contrôlant la liberté d’information (loi de 1881), puis sur le statut des journalistes avec le vote d’une loi (1935) venant palier l’échec de négociations entre les partenaires sociaux. Partant, « l’administration » des journalistes relèvera de la Commission de la carte, instance paritaire représentant principalement la profession et les employeurs, et agissant au nom de l’Etat. La Commission arbitrale puis la Commission paritaire de l’emploi (1976) complètent ce dispositif. L’action de l’Etat se concrétise aussi par un système d’aides octroyées aux publications en fonction du critère de « l’intérêt général », via la Direction générale des médias et des industries culturelles et la Commission paritaire des publications et agences de presse impliquant plusieurs ministères (Communication, Economie, Budget, Justice, Culture).

Des mesures récentes s’inscrivent par ailleurs dans une forme de « gouvernement » et d’ « administration » des journalistes. La dimension juridique peut apparaître comme la plus tangible, notamment sur la question des sources, qui concerne très directement le travail des journalistes quant à leur accès à l’information et à la protection de leurs informateurs. Alors que la loi sur le secret de sources était proposée, débattue puis votée, l’affaire Bettencourt ou la mise en examen de plusieurs journalistes dans d’autres cas pointaient le problème posé par l’imprécision de « l’intérêt national » mentionné dans le texte. La loi Hadopi qui ne vise pas spécifiquement le journalisme le concerne tout de même, en particulier dans le domaine des droits d’auteurs. Sur un autre plan, on peut mentionner la réforme de la représentation syndicale au sein de l’entreprise à laquelle les syndicats de journalistes ont finalement dérogé en défendant des critères d’exception.

Cependant, outre les lois dont on peut interroger l’efficacité, d’autres facteurs influents en matière de fiscalité, d’économie, d’intérêt général, de fonctionnement démocratique, appellent à considérer le journalisme en fonction de, ou en rapport à « un régime de gouvernementalité multiple » (Foucault). Par exemple, les Etats généraux de la presse – suscitant adhésion ou résistance dans le milieu journalistique- qui ont été convoqués par le Président de la République en 2008, donnent matière à réflexion sur l’action politique visant la profession. Les travaux de la Conférence nationale des métiers du journalisme (2010) qui a choisi de retenir la formation comme thème inaugural lors de sa première manifestation organisée sous l’égide des ministères du Travail, de la Culture et de l’Enseignement supérieur, peuvent aussi s’envisager au prisme du « gouvernement » des journalistes. Le rôle croissant de la Commission paritaire nationale de d’emploi des journalistes dans la construction des programmes de formation professionnelle et la délimitation de ce secteur, s’inscrit partiellement dans une démarche d’organisation de ce « marché » à l’aune de la réforme récente de l’enseignement supérieur.

L’ambition du dossier est de rendre compte de l’exercice plus ou  moins frontal du pouvoir public sur l’information journalistique, la profession, et les entreprises de presse en explorant les formes, contemporaines et historiques, d’articulation entre libéralisme et interventionnisme. Outre la variété de ces modalités, on peut aussi interroger les niveaux infra (politiques locales et régionales)  et supra nationaux (Europe, Organisations internationales) mais aussi d’autres modèles nationaux. Dans cette perspective, il s’agit de repérer et d’analyser comment l’exercice du journalisme, la définition et le fonctionnement de la profession, ainsi que l’émergence, le développement ou la disparition de supports et de contenus journalistiques peuvent dépendre de politiques publiques visant différents secteurs. A contrario, on peut aussi envisager comment et pourquoi le gouvernement s’abstient, ou encore comment les organisations professionnelles anticipent, suscitent, infléchissent, contournent l’action publique.

Les propositions peuvent se décliner autour de quatre grands axes :

La structuration du domaine médiatique.

Il s’agira ici d’analyser les effets des dispositifs qui, hier ou aujourd’hui, en France ou à l’étranger, tendent à faire de l’intervention publique un processus de « labellisation » des entreprises médiatiques : on pense par exemple à la définition des critères d’éligibilité aux aides directes et indirectes, à l’appui apporté à  la distribution de la presse en kiosque (loi Bichet), et plus récemment, au soutien apporté en France au développement de la presse en ligne ;  l’attribution des fréquences, les décisions prises en matière de régulation de la publicité entrent également dans cette catégorie, tout comme les décisions prises en matière de publicité sur les chaînes publiques.

L’orientation du traitement journalistique.

Cet axe de réflexion concerne les interactions de discours dans la sélection et le traitement de l’information, au regard de la « publicité » ou de la mise en visibilité sur lesquelles s’articulent les politiques publiques. Les recompositions de l’action publique ont impulsé la mise à disposition de « données », la mise en débat de certaines questions sociétales (immigration, environnement…), des processus de désignation et de catégorisation d’actes et d’acteurs sociaux. Comment ces éléments orientent-ils le traitement de l’actualité ? Et inversement, quel est le rôle des productions journalistiques dans la mise en discours des problèmes publics. Ces questions se traduisent-elles par l’émergence de nouvelles publications ou de nouvelles rubriques dédiées, ou encore par des traitements alternatifs ?

La gestion du service public.

On pourra interroger ici, sur le temps long, les effets des réformes de l’audiovisuel sur la profession et l’information de service public : modalités de nomination de la hiérarchie, évolutions des statuts des personnels, externalisation des productions, incitations à la rationalisation de coûts. Ces phénomènes entraînent des répercussions sur les acteurs du privé, qui pourront être analysées dans cet axe. Par ailleurs, s’il n’existe pas en France de « secteur public » de la presse écrite, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’existence de médias qui ont pu jouer ce rôle (Le Moniteur  universel, Le Journal officiel), ou bien sur des entreprises au statut hybride, partiellement contrôlé par l’État (AFP).

La légitimation des journalistes.

L’identité professionnelle du journaliste évolue en fonction des modes de « gouvernement » qui lui sont imposés par les pouvoirs publics : les conséquences peuvent être à la fois globales (nouvelles dispositions du droit d’auteur, interrogations sur le statut professionnel, projets d’encadrement de la formation), ou bien concerner certains aspects plus précis de la pratique journalistique  (les réglementations sur la protection des sources). Par ailleurs, ce sont aussi les formes de représentation publique du journaliste qui seront ici analysées, en abordant par exemple l’évolution du paysage syndical, en France et à l’international, ou le fonctionnement des instances paritaires. Enfin, on accueillera dans cet axe des réflexions analysant les stratégies de contournement mises en œuvre par les journalistes face à l’emprise publique : on pense par exemple aux cas des journalistes « sans carte », ou bien, en contexte de censure, aux pratiques de déguisement ou de dissimulation des auteurs.

Soumission des articles (textes de 30 à 50 000 signes, espaces, notes et bibliographie compris), avant le 15 janvier 2013 : http://surlejournalisme.com/rev/index.php/slj/author/submit/1

Les articles peuvent être proposés en français, en anglais, en portugais ou en espagnol.

Les articles proposés doivent faire apparaître un référencement théorique, une méthodologie de recherche, un matériau d’analyse.

Evaluation en double aveugle.