Industries des médias, écoles de journalisme, associations professionnelles : nombreux sont les espaces où s’échangent, se monnaient ou se délivrent des outils et des techniques journalistiques. Sur fond de fantasme techniciste ou de cauchemar technologique, le journalisme n’a cessé depuis le 19e siècle au moins de recourir à un équipement outillant la capture d’image ou de sons, la mise en forme du texte, la transmission accélérée des informations. Du premier appareil photographique portable, auquel son fabricant, Kodak, décide de donner le nom de « Reporter », jusqu’aux récents fils RSS agrégeant automatiquement l’information, les liens entre le journalisme et ses outils n’ont cessé de questionner l’identité de la profession, son statut, son fonctionnement socio-économique, ses représentations.
Comment penser le rapport entre maîtrise des dispositifs techniques et fabrication de l’information ? L’information elle-même ne doit-elle pas être envisagée comme une de ces « technologies intellectuelles » évoquées par l’ethnologue Jack Goody ?
Une perspective de temps long montre que la profession journalistique s’est structurée autour de la revendication d’une expertise intellectuelle, qui entre en relation complémentaire, parfois conflictuelle, avec la dimension « outillée » de la production d’information. D’où l’intérêt d’interroger à nouveaux frais toute une tradition de pensée revendiquant la primauté du regard et de l’analyse, et figurant le journaliste comme un intellectuel maniant toujours essentiellement, quelles que soient les époques, le verbe et la plume.
Le colloque organisé par le GIS Journalisme entend susciter des réponses pluridisciplinaires à ces questions, qui pourraient s’organiser autour de trois directions principales.
1. La place de la technique dans le discours sur le journalisme : défense et illustration d’un journalisme équipé
On interrogera dans ce premier axe le rôle attribué aux outils dans tous les textes, discours, témoignages porteurs d’une représentation du journalisme. Qu’il s’agisse de fiction ou de textes législatifs, de chartes professionnelles ou de programmes de formation, comment sont définies, qualifiées, évaluées les compétences techniques associées à la production d’information ? L’approche pourra être ici contemporaine ou de temps long, comparative ou monographique. On pourra par exemple soumettre à examen les prophéties récurrentes prédisant la dissolution du journalisme dans l’automatisation de l’information, ou analyser les ondes de choc suscitées dans les imaginaires professionnels par les moments de rupture technologique.
2. Les outils du journalisme, des enjeux économiques et organisationnels au cœur des recompositions médiatiques
Alors que la massification des médias s’est accompagnée d’une part du développement de technologies ad hoc, et d’autre part de la formation de rédactions étoffées, structurées par un modèle salarial, le tournant du 21e siècle paraît ouvrir la voie à une réorganisation du processus de production, conduisant à une atomisation de l’exercice professionnel. Les travaux attendus dans ce deuxième axe éclaireront, par des études de cas et des perspectives organisationnelles et managériales, l’évolution conjointe des structures rédactionnelles et des outils de production de l’information. On pourra par exemple analyser les conséquences techniques de la concentration en marche dans la presse régionale, ou bien encore faire la part de l’autonomisation technologique dans la multiplication de rédactions sans salariés.
3. Les compétences journalistiques à l’épreuve des dispositifs techniques
Le développement des médias informatisés s’est beaucoup inspiré des pratiques journalistiques : blogs, applications de capture d’image en mobilité et autres espaces de publication numériques, sont porteurs d’une promesse technologique – celle de rendre accessibles à tous les gestes d’écriture et de publication jusque là réservés aux professionnels de l’information. On peut s’interroger alors sur l’incidence d’une telle évolution : contribue-t-elle à généraliser l’exercice journalistique, ou au contraire à spécifier encore davantage la part non-technique de la production d’information ? Sont attendus ici des analyses de dispositifs médiatiques, d’expériences journalistiques faisant intervenir les pratiques non professionnelles, aussi bien que des travaux interrogeant les discours d’escorte déployés par les industriels du secteur médiatique.
Modalités de soumission
Adresser à gis.journalisme@gmail.com
– un résumé de 1000 mots (ou 6000 signes, espaces et ponctuations compris), avec l’indication des mots-clé et de l’axe dans lequel cette communication propose de s’inscrire ; merci de ne porter aucune indication permettant d’identifier l’auteur ou les auteurs
– 1ère page comprenant l’identité, l’institution, l’adresse mail de l’auteur (ou des auteurs) ; ces
informations ne seront pas communiquées aux membres du comité scientifique chargés de porter un avis sur les propositions.
Les résumés et les communications peuvent être présentés en anglais, en espagnol, en français, en portugais.
Calendrier
– soumission (résumé) de la proposition pour le 15 mars 2015
– réponse du comité scientifique le 1 mai 2015
Publication
A l’issue du colloque, il sera proposé à une revue scientifique de constituer un dossier à partir des meilleures contributions.
Comité scientifique
– Rodney BENSON, New-York University (USA)
– Pablo J. BOCZKOWSKI, Northwestern University (USA)
– Etienne CANDEL, Université Paris-Sorbonne (France)
– Jean CHARRON, Université Laval (Québec, Canada)
– Rogério CHRISTOFOLETTI, Universidade Federal de Santa Catarina (Brésil)
– Béatrice DAMIAN-GAILLARD, Université de Rennes 1 (France)
– Francisco DE ASSIS, Escola Superior de Propaganda e Marketing (Brésil)
– Salvador DE LEON, Universidad autonoma de Aguascalientes (Mexique)
– Hervé DEMAILLY, Université Paris-Sorbonne (France)
– David DOMINGO, Université libre de Bruxelles (Belgique)
– Isabelle HARE, Université de Poitiers (France)
– María Elena HERNÁNDEZ, Universidad de Guadalajara (Mexique)
– Valérie JEANNE-PERRIER, Université Paris-Sorbonne (France)
– Christine LETEINTURIER, Université Paris 2 (France)
– Jean-Baptiste LEGAVRE, Université Paris 2 (France)
– Samuel LIMA, Universidade de Brasilia (Brésil)
– Jacques MICK, Universidade Federal de Santa Catarina (Brésil)
– Valérie PATRIN-LECLERE, Université Paris-Sorbonne (France)
– Fabio PEREIRA, Universidade de Brasilia (Brésil)
– David PRITCHARD, University of Wisconsin (USA)
– Jean-Michel RAMPON, Institut d’études politiques de Lyon (France)
– Rémy RIEFFEL, Université Paris 2 (France)
– Denis RUELLAN, Université de Rennes 1 (France)
– Adeline WRONA, Université Paris-Sorbonne (France)